Lorsque mes parents sont revenus de Bretagne après une semaine de flotte intense (comme d'hab dans ce coin quoi) (oh, ARRETEZ de rouler des yeux en prétendant qu'il ne pleut que sur les cons en Bretagne. C'est faux. Il pleut tout le temps et sur tout le monde dans ce pays), je me suis pris une méchante claque dans la gueule de constater à que point ils avaient vieilli.
Mon père a soixante-deux ans, ma mère soixante, mais ils sont tous les deux minces, sans trop de rides et le cheveu encore enduit de mélanine. Du coup, leur âge ne se lit pas sur leur visage et les gens ont tendance à leur donner facilement dix ans de moins. C'est une fierté de ma mère, qui a ri lorsque la SNCF lui a proposé un tarif senior; pour elle, elle est encore fraîche, et si sa maladie ne lui bouffait pas les os, elle aurait encore l'impression d'être encore trentenaire. Cela dit, j'aurais du me douter de quelque chose lorsqu'elle a commencé à entamer une névrose sur les nouveaux voisins qui ont des POULES et des LAPINS dans le jardin et qui ont plein de gosses plus ou moins discrets. Elle s'est mise à les guetter à travers la fenêtre en grommelant quant au pourquoi de l'installation de ceci ou cela dans leur jardin et de quel côté vont-ils installer leur piscine gonflable? (Pas de notre côté j'espère, parce que qu'après quand ils vident la piscine la flotte passe le muret et ça atterrit dans notre jardin et là JE TE RACONTE PAS). Mon père, ça se traduit déjà plus dans son comportement: il a tout le temps froid, se balade en charentaises (LE signe révélateur) en trainant des pieds. Il lit le journal assis dans son fauteuil en cuir ou dans son transat sur la terrasse l'été (manquerait plus que la pipe et la cheminée pour un cliché parfait), il devient complètement sourdingue et oublie tout (bon ça c'est pas particulier à l'âge ceci dit, je l'ai toujours connu un peu ailleurs).
C'est moi qui jouais les chauffeurs pour les ramener de la gare à la maison, et ça m'a fait un petit pincement de voir à quel point ils avaient l'air fatigués; mon père s'est endormi sur la banquette arrière au bout de dix minutes de trajet, ma mère se plaignait de ses jambes qui avaient doublé de volume pendant le voyage.
J'ai commencé à réaliser l'âge de mes parents au lycée, lorsque mes copines parlaient de leurs 'vieux' à peine quarantenaires qui faisaient des virées en moto voire allaient s'éclater en boîte quand les miens flippaient à l'idée de faire Perpignan-Montpellier en voiture 'parce que l'autoroute c'est dangereux' et se foutaient de la gueule de ceux qui voulaient faire djeunz coûte que coûte. La petite soeur de mon compagnon de vie se fait d'ailleurs un régal de souligner dès qu'elle le peut que son frère et moi avons le même âge mais que nos parents respectifs ont vingt ans d'écart. Vingt ans... Une génération d'écart. Ça chiffre, mine de rien.
Je me dis que quand je serai pleinement lancée dans la vie d'adulte (sous-entendu: études terminées, un boulot, voire un lardon sur les bretelles
Je me demande comment ça va se passer. Vont-ils devenir chiants et aigris? Devrai-je passer tous leurs aliments dans le mixeur et me lancer à la recherche éperdue de leur dentier? Est-ce que je me fais des films?
Et tout cas pourvu que j'aie pas à vider leur pot de chambre.